vendredi 25 mars 2011

Contribution d'Ugo Mattei pour la séance du 6 avril 2011

L’Etat, le marché et quelques questions préliminaires à propos du commun

Introduction. La sagesse dominante.

La justice sociale est, dans les démocraties occidentales, l’affaire des institutions de l’Etat providence (actuellement en déclin). On considère généralement l’accès aux programmes de justice sociale comme assuré par les « droits de seconde génération ». Ces droits sociaux ne sont pas purement négatifs (il ne s’agit pas que de protections contre les infractions) comme les droits de propriété, mais sont considérés comme positifs, c’est-à-dire qu’ils obligent l’Etat de façon spécifique.
Cette vision, qui place sur l’Etat le poids spécifique de la satisfaction des droits sociaux, est cohérente avec l’évolution de la jurisprudence occidentale. Depuis la révolution scientifique et la Réforme, la justice sociale a été exclue du cœur du droit privé . La notion scolastique de loi, qui s’enracine dans la conception développée par les jésuites de l’université de Salamanque au XVIe siècle pour laquelle il y a deux concepts de justice – distributive et commutative – a été abandonnée dès le début de la jurisprudence occidentale moderne. A partir de Grotius (XVIIe siècle), les questions sur la justice ont été assimilées à celles de l’équité dans l’échange contractuel entre individus. Selon cette vision, la distribution de ce qui est censé appartenir à toute la société et pas seulement à ses éléments a été considéré comme un fait social : la justice a alors été exclue de la science juridique. L’économie, qui s’est développée comme une branche autonome du savoir au XVIIIe siècle, partage une telle vision. D’après cette sagesse dominante, les questions de distribution ne peuvent faire partie d’un discours scientifique fondé sur le positivisme. La distribution est considérée comme relevant bien plus du domaine des valeurs politiques que des faits mesurables empiriquement. La justice distributive devient une question politique qui doit être gérée (si elle doit l’être) par les institutions d’Etat et de droit public. La naissance de l’Etat providence au début du XXe siècle a été considérée comme une intervention exceptionnelle de régulation (par des politiques fiscales) dans l’ordre du marché, avec comme objectif spécifique de garantir une forme de justice sociale aux membres les plus faibles de la société. En Occident, depuis lors, la justice sociale n’a plus été capable de revenir au cœur du discours sur les droits fondamentaux, et par conséquent est demeurée constamment à la merci d’une crise fiscale : pas d’argent, pas de droits sociaux !
Aujourd’hui, le concept de commun peut fournir exactement les outils, à la fois légaux et politiques, dont nous avons besoin pour contrer la marginalisation progressive de la justice sociale. Etant en dehors de l’opposition de l’Etat contre le marché, le commun, en tant que cadre institutionnel, propose un paradigme juridique alternatif, offrant une plus équitable distribution des ressources, avec pour conséquence directe la justice sociale.

lundi 14 mars 2011

Enregistrements de la séance : « Une économie politique du commun » du 9 mars 2011

Les enregistrements de la quatrième séance « Une économie politique du commun » du séminaire « Du public au commun » faits mercredi 9 mars, 2011 à l'Université Paris 6, Paris.

L'intervention de Christian Laval (36:16)

L'intervention de Christian Marazzi (28:51)

Le premier round de discussion (23:45)

Le deuxième round de discussion (21:00)

lundi 7 mars 2011

Contribution de Christian Marazzi pour la séance du 9 mars 2011

« Violent Capitalism »*

From the bankruptcy of Lehman Brothers in the fall of 2008 to the G20 Summit in Toronto in June 2010, the crisis of financial capitalism has deepened and become even more complicated. In two years we’ve gone from state bail outs of banks, insurance companies, financial institutions and entire industrial sectors to the so-called “crisis of sovereign debt.” The latter is the result of states taking responsibility for salvaging banks, the massive defiscalization of capital and of the high incomes of the last 15 years, the reduction of fiscal revenue typical of recessions, the increase in costs tied to social welfare and in the interest on debt paid to Treasury bond holders.
In the same period, we’ve seen a process of economic and political concentration and reinforcement of the banks bailed-out by the state who have exploited low interest rates to increase profits by directly and almost exclusively investing in the stock market and in state bonds. This has allowed banks to pay back the aid received in the heat of the crisis, thus freeing them from any political interference and putting them back into a position of dictating the conditions for recovery. Three years from the subprime bust, the political power of banking institutions has grown to such a point as to mitigate and slowdown the application of the most urgent legislative reforms in the sector, in particular the separation of commercial and investment banks (following in the footsteps of the Glass-Steagall Act of 1933) found in the “Dodd- Frank US Financial Regulation” voted on in June 2010, with the result that the financial-banking system will continue to be “too interconnected to let it fail” for a long time to come.

dimanche 6 mars 2011

Contribution de Christian Laval pour la séance du séminaire du 9 mars 2011

« La nouvelle économie politique des communs : apports et limites »



Introduction

Que peut apporter dans notre réflexion du « commun » que nous tentons dans ce séminaire, les avancées qui ont été produites à la lisière de la science économique et de la science politique, sur les « communs » (commons) ? Plus précisément, que peut nous enseigner la « nouvelle économie politique des communs », dont l’une des représentantes les plus connues est Elinor Ostrom, « prix Nobel d’économie » en 2009 ? Mon propos visera à faire ressortir ce qui dans cette élaboration pointe vers un aspect décisif pour nous, la dimension d’institution des pratiques du commun, tout en montrant les limites de cette théorisation qui reste enfermée dans les cadres de la pensée économique dominante.