Le commun semble être en Occident le lieu du non-droit. Non seulement il n’existe pas comme concept, mais il n’a pas de statut comme res. Nous reprenons au biologiste Garret Harding (« The Tragedy of Commons », in Science, 1968) une parabole qui illustre ce genre de lecture, et que cite à son tour le juriste italien Ugo Mattei :
Le commun entendu comme ressource librement appropriable, c’est-à-dire comme ressource commune, est une idée considérée comme inimaginable et néfaste parce qu’elle stimulerait les comportements opportunistes d’accumulation qui auraient tôt fait d’en déterminer la consomption définitive. Quand on raisonne de cette sorte, on considère comme réaliste l’image d’une personne qui, invitée à un buffet où une grande quantité d’aliments serait librement accessible, se jetterait sur celui-ci en cherchant à ingurgiter la plus grande quantité possible de calories au dépens de tous les autres, c’est-à-dire à consommer le maximum de nourriture en un minimum de temps, selon un simple critère d’efficacité. Dans un tel modèle anthropologique, le sens de la limite, créé par le respect éprouvé à la fois à l’égard de l’autre et à l’égard de la nature, est ainsi exclu a priori : il est irréaliste dans la mesure où il est fondé sur une vision scientifique purement quantitative.
J’aimerais à proposer un certain nombre de courtes indications pour expliquer ce type de modèle et m’y opposer à mon tour.