Par Patrick Dieuaide[1]
Si l'Histoire et le Droit n'ont jamais daigné donner
consistance au Commun comme « écosystème » (A. Négri), comme réseau d'échanges
ou comme modèle de vivre ensemble, l'explication ne pourrait-elle pas venir de
ce que le Commun doit toujours et encore se réinventer ? Certes, nous avons
tous une idée du Commun pour en avoir fait l’expérience à titre individuel et
au niveau local (point 1). Mais au-delà ? Que dire aujourd’hui du Commun au
regard de l'espace clos du capitalisme globalisé qui nous cerne et avec lequel
chacun de nous, au travail, dans sa vie privée ou professionnelle, doit
composer (point 2) ?
Par un effet de spirale dont l’histoire est coutumière,
il y a là de toute évidence, en ces temps d’oppression et de règne sans partage
de la Finance, des circonstances historique et politique particulières qui ne
laissent pas d’inquiéter quant à la capacité du Commun (des communautés
d’individus qui le fondent) à survivre aux normes de gestion et pratiques de
management qui prévalent dans les entreprises et au-delà, dans le secteur
public. Mais empressons-nous d'ajouter que la perspective inverse vaut tout
autant. Dès lors en effet qu’il n’y a plus d’extérieur où se réfugier, que seul
domine un vaste processus de marchéisation du temps, de la vie sociale et de
l'espace public, on ne peut que s'étonner de la diversité persistante des
pratiques, des cultures et des modes de vie, qui laisse aussi deviner de la
capacité de résilience du Commun à produire de la différence.
En d’autres mots, le Commun serait pris aujourd’hui dans
un rapport politique inédit, d'une extrême violence, entre subordination et
création collective. C’est au regard de cette topologie singulière du Commun
que l'on se propose de réfléchir à l’idée de ce que pourrait signifier ce « mot
d’ordre » politique dont nous ressentons l’exigence et l’urgence mais dont nous
ne savons trop quoi penser quant au fond : « instituer le commun » (point 3).